menu 2

gfMes dernières chroniques


lundi 9 février 2015

Victorian Fantasy Tome 1 : Dentelle et Nécromancie de Georgia Caldera


— Je t’en supplie, ne danse avec aucun autre ce soir. Je ne le supporterai pas…
Il ferma les yeux pour ne plus voir que l’écran noir de ses paupières et relâcha sa prise à grand-peine, un doigt après l’autre. Il ne perçut qu’un bruissement de jupes, s’éloignant peu à peu, s’accompagnant d’une déchirante sensation de vide. Mais n’était-ce pas ce qu’il ressentait depuis toujours, lorsqu’il ne tenait pas précisément cette jeune femme dans ses bras ?






D’aussi loin que remontent ses souvenirs, Andraste, issue d’une longue lignée de sorcières, vit dissimulée aux yeux du monde. Son univers restreint ressemble à s’y méprendre à une cage dorée, elle qui ne rêve que de s’envoler. C’est alors qu’une invitation de la main même de la Reine vient bousculer les plans de sa grand-mère qui dirige la famille d’une main de fer. Et, une requête royale ne se refuse pas… à moins de souhaiter perdre la tête.

Sa découverte du monde commence, très loin de ce qu’elle imaginait. La cour est pleine de danger, de rumeurs et de règles qu’elle ne maîtrise pas.
Mais sa plus grande erreur est de succomber au regard aussi noir que la nuit de lord Thadeus Blackmorgan…



Un très gros coup de cœur !!!!


Je ne m'attendais pas du tout à être autant emballé par cette jeune auteure française mais je suis totalement sous le charme de son écriture.

Les points forts

Il y en a un paquet à commencer par l'histoire. Je ne connais pas trop le style Steampunk. Je n'avais lu en matière de littérature que Gail Carriger que j'apprécie malgré quelques longueurs. Ici ce défaut est complètement gommé. Il n'y a aucun temps morts. On est très vite emporté par l'histoire. Presque dès les premières pages on est plongé dans cet univers futuriste rétro si particulier.
Je trouve que souvent romance et intrigue ont du mal à trouver leur équilibre dans une histoire. C'est ici un plus car tout s'emboîte à merveille. L'histoire, l'intrigue, la romance rien n'est oublié et la trame narrative est vraiment maîtrisée.


Les personnages. Andraste et Thadeus ont de fortes personnalités. Cela donne lieu à des personnages haut en couleur mais qui n'en font cependant pas trop. Là aussi, j'ai trouvé leur personnalité bien maîtrisé. Notamment le personnage masculin qui arrive à mêler fragilité et force de façon très intéressante.

La romance. J'ai adoré leur première rencontre. Je trouve qu'il s'agit pour moi d'une scène cultissime. Rien que pour ça, je vous le conseille. Elle est des plus réussie. Ça m'a complètement bluffé. Désolé, je n'en dirai pas plus... ça gâcherait tout le plaisir ! Dès le départ, on voit la passion irrépressible de ces deux personnages que tout opposent. J'ai vraiment ressenti quelque chose de nouveau en matière de romance. Une vraie connexion que l'auteure amène à nous faire ressentir : la richesse, la complexité, l'ambivalence de leur sentiment.

Les points faibles
Tout le livre arrive à garder une forme de tension qui donne une lecture très addictive mais la fin est peut-être trop « parfaite ». Disons que leurs prises de bec sont tellement savoureuses qu'on est presque déçu par le happy end.

 

Bref

Un livre que je conseille à 200%.







Enfin, comment avait-elle pu être aussi écervelée ? S’exhiber ainsi, dans un couloir, mais où avait-elle eu la tête ?!

— Hum, Andraste, as-tu besoin d’aide ? Veux-tu que je fasse appeler la garde ?

Oh non ! C’était Scott ! Et il pensait que…

— Tu ferais mieux de déguerpir vite fait, mon offre de l’autre jour au sujet de tes dents est toujours valable, menaça Blackmorgan, si glacial tout à coup que la jeune femme en fut troublée.

Probablement n’appréciait-il pas l’insinuation de son élève. Après tout, ce n’était pas comme si un médecin l’avait déjà accusé du même genre de crime la nuit dernière. La chose devait certainement commencer à lui porter sur les nerfs…

Elle serra du mieux qu’elle put son corsage contre sa poitrine, se laissa glisser du promontoire sur lequel on l’avait installée, puis fit face à son ami… enfin, s’efforça de faire face à son ami. Car aussitôt Blackmorgan la retint. En quelques mouvements aussi rapides qu’efficaces, il se débarrassa de sa redingote, lui en couvrit les épaules, et, d’une main, la maintint fermée sur elle, l’empêchant en même temps de s’éloigner de lui.

Andraste déglutit bruyamment, et, rouge de honte, affronta le regard scandalisé de Scott.

— Tout va bien, le rassura-t-elle, inutile d’aller chercher qui que ce soit.

Un pli vertical se dessina entre les sourcils dorés du jeune homme et à la révolte succéda le dépit sur ses traits fins et ciselés.

— Tu en es vraiment sûr ? Ce n’est pas parce qu’il sera bientôt duc qu’il peut tout se permettre, tu sais. Quoi qu’il t’ait dit, je suis sûr qu’il t’a menti, qu’il t’a piégée, d’une manière ou d’une autre.

— Ce n’est pas ce que tu crois, plaida-t-elle, consciente de la médiocrité de son propos, elle-même ne sachant pas de quoi il s’agissait exactement.

La situation était tellement embarrassante… et le bras que Blackmorgan avait posé sur elle, si tendu… les choses pouvaient déraper d’une seconde à l’autre. Ce dernier allait fondre sur son ami dans un instant et elle ne pourrait le retenir. Elle n’en aurait pas la force.

— Laisse-nous, Scott, s’il te plaît, l’exhorta-t-elle avec plus de fermeté que l’amitié ne le permettait.

Celui-ci secoua la tête, comme s’il refusait de la croire, puis se résigna à contrecœur et tourna les talons, s’écriant furieusement :

— Alors oublie-moi ! Trouve-toi un autre abruti pour t’aider en cours ou ailleurs !

Andraste attendit qu’il soit hors de vue pour se dégager de l’emprise de Blackmorgan. Elle avisa sa tenue – ou plutôt les lambeaux qui en constituaient la partie supérieure –, et s’écria :

— Oh, mais quel cauchemar ! Vous avez complètement ruiné ma robe !

— Je t’en rachèterai une, s’empressa-t-il de promettre d’un ton étonnement contrit. Une plus belle. Réalisée par le meilleur tailleur de Néo-Londonia, dans les tissus les plus riches…

— Qu’est-ce qui vous a pris ?! coupa-t-elle, pertinemment consciente que c’était plutôt à elle qu’il fallait poser la question. Pourquoi ne pas avoir clairement dit dès le début que ce que vous vouliez, c’était me trousser au détour d’un couloir ?!

Au moins Blackmorgan eut-il la décence d’avoir l’air offensé. Et c’était ce qu’elle espérait. Elle souhaitait le punir, parce qu’elle lui en voulait. Il lui avait fait perdre la raison, durant l’espace de ces quelques minutes entre ses bras, elle avait totalement succombé à la folie. Pour la deuxième fois ! Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’était véritablement effrayant…

— Mais non ! se défendit-il, visiblement déconcerté. Enfin… pas exactement. Je ne sais pas, j’ai cru que…

— Que rien du tout ! l’interrompit-elle encore, optant pour un mensonge éhonté : Je ne me suis appliquée à vous satisfaire que parce que c’est ce que vous attendiez de moi. Exactement comme vous l’entendiez, de la manière qu’il vous plaisait ! J’estime avoir largement rempli ma part du contrat aujourd’hui, et même pour plusieurs jours, tout compte fait. À vous de remplir la vôtre à présent. Je veux retourner à mes appartements et y demeurer en sécurité.

La bouche légèrement ouverte, prêt à répondre, il jeta un regard douloureux sur le côté, comme si la vue de la jeune femme était subitement devenue insoutenable, et plissa le nez d’amertume.

Avait-elle enfin réussi à égratigner un tant soit peu l’amour-propre de cet homme à l’ego surdimensionné ? Pourvu que oui, elle en rêvait depuis un bon moment !

— Bien sûr, acquiesça-t-il finalement. Je vais t’y conduire tout de suite. Je connais quelques portes dérobées qui nous permettront de nous y rendre plus discrètement qu’en empruntant les galeries principales.



L'extrait
— Égal à toi-même ! siffla Andraste entre ses dents serrées. Tout ça n’est rien de plus qu’un nouveau chantage, n’est-ce pas ? C’est maintenant où tu m’abandonnes à mon triste sort ? Le dédommagement exigé pour tes bons services de la journée ?!

— Bordel de merde ! jura-t-il à bout de nerfs en la fusillant de son regard le plus noir – regard qu’elle s’empressa de lui rendre, affaiblie ou pas.

Mais comment pouvait-elle être aussi ingrate ?! Il l’avait sauvée, non ? Il avait pris soin d’elle, il avait eu peur pour elle… autant déballer ses tripes devant une nuée de rapaces ! Brighton et ses conseils à la noix pouvaient aller se faire pendre en ce qui le concernait. On ne le reprendrait pas de sitôt à essayer de se montrer aimable et attentionné envers cette espèce de harpie !

— Tu sais quoi ? grinça-t-il en approchant son nez tout près du sien. Prends-le comme tu veux, cela m’est égal.

Cette sortie eut au moins le mérite de la faire taire, mettant un terme définitif à leur dispute. Ils restèrent encore quelques secondes à s’observer l’un l’autre. Puis, quand il comprit qu’il avait gagné, Thadeus conduisit une jeune femme d’apparence calme et docile – en fait, résignée – devant l’autel où les attendait le prêtre.