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lundi 12 mai 2014

Un imposteur à la cour - Céleste Bradley

 




Ils se laissèrent tomber sur la cape. Aussitôt, elle glissa les mains sous sa chemise pour caresser sa peau brûlante. Son ventre ferme invitait aux caresses. Elle s’y attarda.












Le résumé :
- L'espion de la couronne: Avec pour seul indice une lettre signée "Le Griffon", Agatha Cunnington part pour Londres à la recherche de son frère, James. Pour pouvoir voyager sans choquer la bonne société, elle s'invente un mari, mais elle comprend avec angoisse qu'elle va bientôt devoir présenter aux ladies londoniennes un homme en chair et en os. Elle engage à cet effet un ramoneur peu conventionnel, et pour cause ! Simon Montague Raine appartient à un "club" d'espions, au même titre que James...
- Un imposteur à la cour: Depuis quelques mois, le public s'arrache les exemplaires du London Sun. Un caricaturiste de génie y épingle les plus hauts personnages de la société britannique, dont il dévoile les travers et les vices. Signés "Sir Thorogood", les dessins sont livrés par une domestique, qui empoche le paiement. L'artiste, personne ne l'a jamais vu... Aussi les curieux se précipitent-ils au bal des Rochester, où sa présence est annoncée. Clara Simpson n'est pas la moins intriguée. En temps ordinaire, son horreur des mondanités l'aurait poussée à refuser l'invitation, mais cette nouvelle a eu raison de sa réserve naturelle. Enfin, la vedette de la soirée paraît, aussitôt entourée d'une nuée d'admiratrices au comble de l'excitation. L'homme est fort séduisant, en dépit d'un ridicule costume violet et vert. Mais il s'agit d'un imposteur, et Clara est bien placée pour le savoir. Car "Sir Thorogood", c'est elle !




L'extrait :
Angleterre, 1813

Telle une déesse de tragédie grecque qui aurait mal tourné, elle se tenait sur un piédestal. Sa moue boudeuse et sa pose outrées étaient bien trop suggestives pour une statue classique, de même que l’étoffe opaque drapée sur son corps de manière à souligner ses rondeurs voluptueuses.
Trois hommes étaient prosternés à ses pieds, dont deux sommités de la haute société londonienne. Le troisième était en partie caché derrière la silhouette lubrique. Tous trois couvraient leur idole d’or et de bijoux, et tentaient de la toucher tout en effectuant leurs offrandes.
En bas, à une échelle bien plus réduite que la déesse et ses adorateurs, rampaient les femmes et enfants des deux hommes reconnaissables et parfaitement identifiables. Leur posture pathétique contrastait avec les richesses offertes à la tentatrice.
Fleur et sa cour, disait la légende imprimée sous le dessin.
Gerald Braithwaite repoussa le papier et la ficelle qui entouraient la liasse de caricatures politiques, renversant dans son enthousiasme la plaque indiquant qu’il était le rédacteur en chef. La domestique qui avait livré le paquet se baissa vivement pour la ramasser et la remettre en place. Braithwaite ne prit même pas la peine de la remercier.

Il s’empara du premier dessin, et posa la main sur sa bouche pour réprimer un petit rire qui s’en échappa tout de même. Cette caricature allait faire vendre plus d’exemplaires du London Sunen une seule journée que depuis sa création.
– Sir Thorogood, je suis vraiment fier de vous, marmonna-t-il pour lui-même. Quel coup de crayon !
La satire sentait le soufre. Il n’y manquait rien, ni l’atmosphère de péché ni la touche mélodramatique : trois hommes riches et puissants en train de dilapider leur fortune aux pieds d’une femme, sans doute quelque danseuse en vue, sous les regards implorants de leurs familles en détresse. C’était sublime de moquerie, précis dans le détail, avec une qualité de trait digne des esquisses des plus grands maîtres.
– Que le diable les emporte tous, ces nantis ! Ils regretteront de ne pas se trouver déjà en enfer quand les journaux envahiront les rues, prédit-il avec un soupir d’aise.
Il jeta à la servante une enveloppe bien pleine sans lui accorder un regard. Il sourit, puis s’esclaffa de nouveau. Bientôt, son rire résonna dans les couloirs du bâtiment abritant les presses de ce qui allait vite devenir le journal le plus lu de la capitale.
La jeune servante aux cheveux châtains quitta l’immeuble. Sur ses lèvres, l’esquisse d’un sourire trahissait sa satisfaction.

Le lendemain, dans l’après-midi, un gentleman ouvrit leLondon Sun pour le parcourir tout en prenant son petit-déjeuner. Il s’était levé fort tard, mais avait déjà trouvé le temps de caresser furtivement une domestique effarouchée, de molester un valet et d’insulter son majordome. Tout cela lui avait donné faim.
Sans doute est-ce la raison pour laquelle il faillit s’étouffer avec son toast. À moins qu’il ne s’agisse du coup de crayon meurtrier de sir Thorogood.
Rouge de colère, il appela son majordome.
– Faites préparer la voiture ! aboya-t-il. Je sors.
Le domestique hocha la tête, et jeta malgré lui un coup d’œil au journal que tenait son maître. En dépit de ses efforts, il ne put réprimer un sourire en quittant la pièce.

Le journal tomba dans l’assiette d’un autre gentleman très influent.
– Qu’est-ce qui vous prend ? s’écria-t-il. J’étais en train de manger !
Il foudroya du regard les deux invités inattendus qui venaient troubler son repas.
– Tu ne vas pas tarder à perdre l’appétit, je te le garantis. Regarde ça ! fit le plus grand en désignant la caricature signée sir Thorogood.
L’aristocrate s’essuyait la bouche avec sa serviette quand il se reconnut.
– Nom de Dieu ! lâcha-t-il à mi-voix.
– Je ne te le fais pas dire, riposta son visiteur.
– Qu’est-ce qu’on va faire ? gémit le troisième larron en se tordant les mains.
L’aristocrate grommela :
– Dénicher ce Thorogood et le discréditer publiquement. Il doit bien avoir des choses à cacher, un scandale familial, le démon du jeu, que sais-je ?
L’un des deux nouveaux arrivants semblait perplexe.
– Tu crois que ce sera suffisant ? Je préférerais des mesures plus radicales.
– Ce n’est qu’un début, fit l’aristocrate, la mine grave, en jetant sa serviette sur la caricature. Mais je vous garantis que cela va cesser !